Quel est le point commun entre un Beanie Baby, un Sonny Angel, une princesse Disney et un bouledogue français ?
Et pourquoi on les adore ?
Tous les 4 ont un visage qui répond à des caractéristiques bien précises comme :
– Une face large et arrondie
– Un grand front
– De grands yeux expressifs
– Un petit nez et une bouche discrète
Ces caractéristiques font partie de ce que l’éthologue autrichien Konrad Lorenz a appelé, en 1947, le « baby schema« . En gros, ce sont les traits typiques des bébés humains et animaux… et c’est ce qui les rend irrésistiblement mignons !
Pourquoi trouvons-nous ces traits si attirants ?
D’un point de vue évolutif, cette « mignonitude » déclenche un réflexe inné de protection et de soin. C’est un mécanisme qui pousse les adultes à s’occuper des bébés, garantissant ainsi la survie de l’espèce.
Mais ce n’est pas qu’une histoire d’instinct ! Grâce à la neuro-imagerie, on sait aujourd’hui que voir un bébé mignon active une zone spécifique du cerveau, le cortex orbitofrontal médian. Cette zone est liée aux sentiments de récompense et de motivation.
Le baby schema… un outil marketing ?
Évidemment, cet effet psychologique est très bien exploité par l’industrie du marketing !
Les marques utilisent ces caractéristiques pour nous faire craquer sur :
– Les jouets (poupées LOL, peluches Beanie Boo…)
– Les dessins animés (avec des personnages aux grands yeux et petits nez)
– Même des voitures ou des smartphones, qui reprennent parfois ces traits !
Tout ça, ce n’est pas bien grave… Mais là où ça devient problématique, c’est quand ce même mécanisme influence l’élevage d’animaux de compagnie.
La néoténie : quand on veut garder les traits de bébé… toute la vie
Depuis plusieurs décennies, certaines races de chiens sont sélectionnées pour conserver leurs traits juvéniles à l’âge adulte. Ce phénomène porte un nom : la néoténie.
Et cette néoténie est justement l’une des principales causes des hypertypes.
Un Hypertype, c’est quoi ?
Pour les races d’animaux, il existe une description officiel précise des caractéristiques morpho-anatomiques auxquelles doivent répondre les individus de la race. Cette description précise s’appelle le standard et quand un chien répond précisément aux caractéristiques prévues dans le standard, il sera typique, et on dira qu’il a du type.
Par contre, si les caractéristiques prévues sont poussées à l’extrême, on parle alors d’hypertype.
Beaucoup de races de chien, ont leurs caractères poussés à l’extrême avec un crâne encore plus arrondi, un museau toujours plus court, des yeux encore plus grands, une taille encore plus petite.
Ça vous rappelle pas quelque chose ? Mais oui, Le baby schema dont on parlait plus tôt !
Le syndrome brachycéphale : un calvaire pour ces chiens
C’est ce qu’on voit couramment dans des races comme les bouledogues français, ces modifications réduisent considérablement la taille des voies respiratoires et vont occasionner des difficultés pour respirer : au plus léger des ronflements mais au plus grave une intolérance à l’exercice, à la chaleur, une incapacité à s’oxygéner correctement allant jusqu’à l’asphyxie ou la syncope pour les cas les plus sévères. C’est ce qu’on appelle le syndrome obstructif des races brachycéphales.
Ce syndrome touche particulièrement le Bouledogue français, le Bouledogue anglais, le Carlin, le Shih-Tzu, le Pékinois et le Cavalier King Charles Spaniel.
Les problèmes respiratoires ne sont pas les seuls troubles occasionnés par les hypertypes. On rencontre des problèmes neurologiques type compression ou de malformations de la moelle épinière lorsque la boite crânienne est réduite. Cela peut être le cas chez les Cavalier King Charles lorsque la sélection évolue vers une tête plus ronde et des plus grands yeux.
La proéminence des yeux va aussi être à l’origine de problèmes de santé chroniques comme des ulcères de la cornée et aux luxations du globe oculaire, comme chez les carlins, shih tzu et pékinois hypertypés.
Au final ces problèmes d’hypertype vont avoir des répercussions sur la qualité de vie des chiens et aussi des répercussions financières à cause des coûts vétérinaires pour les propriétaires.
Un problème de société
La relation entre les hommes et les chiens date de milliers d’années, quasiment 100 000 ans. Dès les temps primitifs, les chiens assistaient les hommes pour la chasse, la garde du campement, des bêtes, etc… ce sont ces fonctions qui ont façonné toute la variété de nos races de chiens. Mais aujourd’hui, au lieu de rechercher et de sélectionner une race adaptée à un style de vie particulier, ou même d’envisager l’adoption dans des refuges et des SPA, certains propriétaires choisissent leur animal uniquement en fonction de son apparence physique, le considérant comme un accessoire de mode, et ignorant tous les problèmes de bien-être liés à des conformations extrêmes.
Il est vraiment primordial aujourd’hui de prendre conscience de ce problème d’hypertype pour garantir le bien-être animal.
J’attire votre attention sur le fait que tout le monde est concerné :
- Les éleveurs qui doivent privilégier la santé et le bien-être des animaux qu’ils reproduisent, plutôt que l’esthétisme, l’original ou le spectaculaire ;
- Les futurs propriétaires qui doivent s’informer sur les affections en lien avec les hypertypes avant d’acheter un chien ou un chat de race.
- Les juges de concours qui doivent sanctionner les sujets hypertypés ;
- Les médias ne doivent pas mettre en avant des animaux hypertypés
- et nous les vétérinaires qui avons le devoir d’informer et de conseiller les familles et les éleveurs.
En Conclusion choisir un chien, c’est une responsabilité
Un chien, ce n’est pas un accessoire de mode. C’est un être vivant qui mérite une bonne qualité de vie.
Alors avant de craquer sur une race tendance, posez-vous les questions suivantes :
✅ Est-ce que cet animal est en bonne santé ?
✅ Est-ce que ses caractéristiques physiques ne vont pas le faire souffrir toute sa vie ?
✅ Est-ce que je peux lui offrir une vie épanouie ?
Adopter un chien, c’est un engagement envers lui et cela mérite d’être fait en toute conscience et connaissance.
Bibliographie
- How to apply Baby Schema to UX
- Isn’t It Cute: An Evolutionary Perspective of Baby-Schema Effects in Visual Product Designs in International Journal of Design, Linda Miesler, Helmut Leder, and Andreas Herrmann
- The Human and Animal Baby Schema Effect: Correlates of Individual Differences. Lehmann V, Huis in’t Veld EM, Vingerhoets AJ. Behav Processes. 2013 Mar;94:99-108. doi: 10.1016/j.beproc.2013.01.001. Epub 2013 Jan 23. PMID: 23353724.
- CUTENESS, BABIES AND HOW TO MAKE HUMANS GO “AWWW” by Harshi Shetty
- L’hypertype est-il contraire au bien-être animal ? La chaire bien-être animal de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon
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